La question des agressions sexuelles est aujourd’hui à l’ordre du jour de notre société
Le monde chrétien n’en est pas exempt. Qu’on le veuille ou non, la question du respect et de la protection des personnes vulnérables est une question qui touche chacun d’entre nous, y compris les chrétiens.
Plus je parle aux gens, plus je prends conscience que les prédateurs sont très présents parmi nous, même dans l’église. Je crois qu’il existe un passage peu connu de l’Écriture qui peut servir d’illustration et d’exemple : un récit édifiant pour les dirigeants de nos églises, nous enseignant les leçons du manquement du roi David à identifier et à répondre aux problèmes d’agressions et d’abus sexuels. C’est le viol de Tamar dans 2 Samuel 13. Je n’inclurai pas le texte de ce passage par souci de brièveté, mais il peut être utile de lire les références que je cite si vous n’êtes pas familier avec cette histoire.
Le contexte de l’histoire est le ciblage de Bethsabée par le roi David dans 2 Samuel 11. Les prédateurs sont enhardis lorsqu’ils voient que les conséquences d’un mauvais comportement sont minces ou inexistantes. Ils cherchent une occasion d’abuser en toute impunité. Amnon,le fils prédateur de David, regardait quand David a commis l’erreur de coucher avec Bethsabée et a assassiné son mari, Urie. Les prédateurs parmi nous observent pour voir si nous allons respecter les limites.
Dans 2 Samuel 13: 1-2, nous voyons Amnon obsédé par sa demi-sœur Tamar qui commence à fantasmer sur elle. Les prédateurs peuvent souvent choisir leurs victimes bien avant d’abuser d’elles. Ils surveillent et écoutent à la recherche de personnes vulnérables à cibler.
Les versets 3 à 5 nous disent qu’Amnon s’est entouré de personnes qui ne le questionneraient pas ou ne seraient pas honnêtes avec lui, mais plutôt faciliteraient et apaiseraient sa nature abusive. Les prédateurs sont souvent aidés par des facilitateurs dans leur vie. Le serviteur d’Amnon a pu lui enseigner comment utiliser au mieux sa propre dynamique familiale pour piéger sa victime. Cependant, les facilitateurs ne sont pas toujours aussi actifs ou conscients. Il peut s’agir d’un conjoint, d’un ami ou d’un membre de la famille qui les défend lorsque quelqu’un soulève des questionnements. Parfois, cela peut même être une direction d’église trop confiante qui leur donne naïvement des opportunités d’abus.
Aux versets 6 à 10, Amnon profite du respect que lui témoigne sa sœur et de la confiance de son père, ainsi que de l’obéissance de ses serviteurs, pour s’assurer qu’il a un accès illimité pour préparer sa sœur à une attaque. Les prédateurs créent intentionnellement des situations favorables à la préparation des victimes. Ils vont utiliser la confiance des autres, le pouvoir, les mensonges, la manipulation et des soi-disant manques de respect pour s’assurer ces opportunités.
Nous découvrons ensuite dans le texte que les prédateurs utilisent la coercition et l’avantage du pouvoir pour contraindre leurs victimes à des rencontres physiques sans leur (ou en dehors de l’âge du) consentement. Aux versets 11 à 13, nous voyons Amnon forcer une rencontre. La peur, ainsi que des facteurs culturels, physiques, religieux ou institutionnels, peuvent rendre honteuses ou affaiblir les victimes et les rendre impuissantes à se défendre ou même les obliger à coopérer avec leurs agresseurs pour survivre. Dans son désespoir d’échapper au traumatisme, Tamar a même supplié son frère de demander sa main en mariage et donc d’entrer dans une relation consensuelle négociée avec elle, dans laquelle elle pourrait conserver un certain pouvoir et ne pas perdre la face aux yeux de la communauté. Elle a courageusement confronté son agresseur et a clairement indiqué qu’elle ne consentait pas à ce qui allait se passer. Nous devons comprendre que les victimes parmi nous ont été privées de leur pouvoir de se défendre. Nous posons souvent des questions banales comme « Pourquoi n’a-t-elle pas simplement couru ? » ou nous faisons des commentaires comme “Pour danser, il faut être deux “. C’est ignorer le fait que le prédateur a méthodiquement planifié ce moment afin de priver la victime de sa capacité de résistance, que ce soit par l’usage de la pression financière, culturelle ou professionnelle, de la force physique, de l’isolement relationnel, etc. C’est particulièrement vrai lorsqu’il y a un déséquilibre du pouvoir spirituel (par exemple, une relation inappropriée entre le dirigeant d’église / laïc).
Dans 2 Samuel 13:14, nous voyons le prédateur commettre l’impensable. Amnon franchit maintenant la ligne et devient un violeur incestueux, mais cela n’a pas commencé ici; ça a commencé dans sa tête. Il l’a anticipé. Il s’est convaincu des moyens de le justifier et de l’excuser. Il a établi une théologie et une philosophie de la légitimité qu’il a utilisées pour se donner la permission de faire cette chose terrible à ce moment. Et, tandis qu’elle pleurait et gémissait, Amnon viola Tamar jusqu’à ce que ses désirs malsains soient assouvis.
Nous ne devrions pas être naïfs au point de penser que quelqu’un qui est excessivement “chaleureux et délicat” ne pourra jamais franchir cette ligne. Si nous nous convainquons que « Il est comme ça, il dit/fait ce genre de choses perverses, mais il n’a jamais fait de mal à personne. Il n’est pas dangereux », rappelons-nous qu’Amnon n’était pas un violeur jusqu’à ce qu’il viole ; il était juste un peu bizarre de temps en temps. Nous devons à la fois aux forts et aux faibles parmi nous d’établir des limites claires et fermes lorsque des commentaires et des actions inappropriés surviennent. Cela garantit que ceux qui pourraient être enclins à emprunter cette voie descendante ne seront jamais autorisés à s’en approcher, car une fois que cela a été fait, c’est fait et la vie de la victime ne sera plus jamais la même. C’est dévastateur pour les familles et la communauté aussi. Une fois que ce mal est sorti de sa bouteille, on ne peut plus jamais remettre le bouchon.
Lisons maintenant 2 Samuel 13 :15-19, où le prédateur cherche à éviter les conséquences de ses actes. Il le fait en dissimulant d’abord, puis en niant, puis en blâmant et en attaquant la victime pour l’abus. Les prédateurs évitent la responsabilité personnelle à tout prix. Après que sa terrible passion soit retombée, Amnon s’est rendu compte qu’il avait commis à la fois un péché et un crime civil punissable de mort. Il hait Tamar parce qu’il réalisait qu’elle pouvait porter une accusation contre lui et ainsi reprendre le pouvoir. Il a donc cherché à écarter sa sœur de sa présence, espérant que sa honte sociale la ferait se taire et qu’elle protégerait sa réputation en le couvrant, comme c’est si souvent le cas. Malheureusement pour lui, elle était plus courageuse qu’il n’aurait jamais pu l’imaginer. Elle a immédiatement, et devant son domicile, commencé à pleurer publiquement la perte de sa virginité. Alors qu’elle marchait dans la rue, tout le monde dans la communauté a commencé à chuchoter que le prince avait violé la princesse. Nous devons être prêts à ne pas être dupés par les tactiques des prédateurs utilisant la manipulation, le silence et la honte des victimes. Nous devons encourager et soutenir les victimes et mettre les abus sous la lumière des enquêtes des autorités.
Malheureusement, 2 Samuel 13 : 20-22 nous montre que lorsque la structure du pouvoir institutionnel a perdu sa boussole morale, les agresseurs reçoivent une tape sur les doigts tandis que la victime souffre de honte. Parce que le roi David avait renoncé à l’autorité morale dans sa famille après sa défaillance avec Bethsabée – bien qu’il soit furieux contre Amnon – il a estimé qu’il ne pouvait pas recourir à un procès en bonne et due forme. Il était également biaisé par sa relation personnelle avec Amnon et avait de ce fait des conflits d’intérêts. David a donc choisi de balayer cet incident sous le tapis. Il ne l’a pas abordé correctement.
Du coup, c’est Tamar qui en paya le prix en se réfugiant chez le seul homme qui semblait bien vouloir avoir pitié de sa situation : son frère rebelle Absalom. Il allait l’utiliser comme excuse pour la première partie de sa poursuite potentielle de la couronne. Cela a également réduit au silence et empêché d’autres victimes de demander justice lorsqu’elles ont vu qu’aucune mesure n’avait été prise. Ces incidents ne se portent pas bien lorsqu’ils sont balayés sous des tapis, parce qu’ils ne sont pas de la poussière ; ils sont acides. S’ils sont laissés, ils détruiront bientôt le tapis par en dessous. Non traitée par le roi, cette situation s’est envenimée et exacerbée. Très souvent au sein du christianisme, l’instinct est de protéger l’institution, sa réputation, ses intérêts financiers ou, au pire, même le prédateur. La victime devient un obstacle gênant, parfois même un ennemi juridique. La communauté au sens large voit un groupe qui prêche l’obéissance aux commandements de Dieu mais n’agit pas sur le sens fondamental de la justice latent dans toute l’humanité : la protection des faibles. En conséquence, la hiérarchie ecclésiale perd sa crédibilité morale et son témoignage divin aux yeux du monde.
Qu’allons-nous apprendre, en tant que chrétiens, de ce chapitre terrible et tragique de l’histoire d’Israël ?
Quoi, en effet !
Le monde observe.
Si vous êtes en Martinique, en cas de harcèlement, de violences conjugales et/ou sexuelles vous pouvez contacter:
- la cellule d’écoute mise en place par la Fédération adventiste de la Martinique, 7J/7 de 8h à minuit,
au 0805 288 394 (appel gratuit)
ou bien
- l’Union des Femmes en Martinique:
https://unionfemmesmartinique.com
tél. 0596 71 26 26
mail: contact@uniondesfemmes-mq.fr
Cet article a été initialement publié par Pasteur Daniel Matteo sur le site Web d’ Adventist Record
Daniel Matteo est directeur de la jeunesse et pasteur de la Tasmanian Conference en Australie
Traduction et adaptation martiniquaise : Joël Gaget