LES ADVENTISTES SONT-ILS ENCORE DES CHERCHEURS DE VÉRITÉ ?

Actualité Adventiste 16 février 2022

Dans l’océan de vérités, demi-vérités et contre-vérités, que faut-il croire et qui faut-il croire ?

 

Martin Luther, l’emblématique prêtre allemand qui renversa l’institution religieuse de son temps, plaça la vérité au centre de sa manifestation sismique. Ancré par ses amarres bibliques, Luther se dressa fermement contre les autorités ecclésiales qui osèrent mêler vérité et erreur – un mélange toxique qui conduit, inévitablement, à la tromperie spirituelle.

En qualité d’adventistes du septième jour, nous nous sommes traditionnellement identifiés à l’indignation vertueuse de Luther et des autres réformateurs protestants, nous considérant comme le reste des conservateurs de la vérité. La vérité à tout prix, prêchons-nous à haute voix du haut de nos chaires, même si « les cieux s’effondraient ». Et cela signifie sacrifier notre vie, notre corps ou notre trésor pour cette précieuse vérité.

En tant que personne qui a grandi dans l’Église et a étudié dans les écoles adventistes du primaire à l’université, je tenais fermement à ces idéaux. Aussi, quand j’ai travaillé dans les médias traditionnels comme journaliste de presse écrite dans plusieurs zones urbaines, j’ai recherché « la meilleure version possible de la vérité », comme l’a définie le légendaire journaliste d’investigation, Carl Bernstein.

Je suis allé très loin pour confirmer l’information avant de la rendre publique. Comme dit un vieil adage du journalisme : « Si ta mère te dit qu’elle t’aime, vérifie ». Dans la salle de presse où je travaillais, nous vivions avec ce mantra. Vérifie, vérifie, vérifie !

C’est vrai, nous ne faisions pas les choses toujours parfaitement, mais la vérité était notre objectif principal. Quand nous échouions, nous faisions tous les efforts—comme la plupart des journalistes—pour corriger l’erreur aussi vite que possible.

Nos rédacteurs ne toléreraient rien de moins.

 

L’ère de la post-vérité

Aujourd’hui, nous vivons à l’époque de la post-vérité, dans laquelle la désinformation, les fausses nouvelles, les « faits alternatifs » et les théories du complot se répandent dans les médias sociaux comme un incendie de forêt. Dans l’arène politique polarisée actuelle, la vérité est devenue un intrus dérangeant et inopportun dans la vie de beaucoup de personnes—y compris dans la vie des membres d’église qui préfèrent vivre dans des chambres d’écho qui renforcent leurs idées préconçues.

Les faits n’ont plus d’importance s’ils gênent les conforts personnels et les agendas politiques, même parmi les chrétiens. La presse est « l’ennemi du peuple », tandis que les théoriciens du complot, QAnon, sont des sources fiables. 

La méfiance envahissante envers les officiels des gouvernements, les dirigeants religieux, les médias, les scientifiques, les académiciens, les juges—même les professionnels de santé adventistes—a rendu beaucoup de personnes désabusées et cyniques. Nous avons vu ceci à l’œuvre dans :

  • le mouvement Birther qui perpétuait l’idée que le Président Obama est né hors des États-Unis, malgré la preuve apportée par son certificat de naissance.
  • les faux rapports indiquant que le site internet de Trump à la Maison Blanche comportait une publicité QVC (une chaîne de télévision sur internet) pour des bijoux vendus par la première dame, Melania Trump.
  • des posts sur FaceBook faisant circuler des déclarations non vérifiées que le père de Donald Trump était membre du Ku Klux Klan.
  • la croyance que l’élection présidentielle aux Etats-Unis a été volée par les démocrates, bien que l’élection ait été certifiée par des officiels d’état des deux partis et que les allégations de fraude aient été rejetées par les juges à travers le pays.
  • les efforts faits par quelques dirigeants nationaux et des citoyens américains pour minimiser l’attaque du Capitole du 6 janvier 2021 et présenter l’incident comme étant un rassemblement inoffensif.
  • l’intense contre-attaque contre le port du masque et les vaccins contre la Covid-19, alimentée par les théories du complot qui inondent les médias sociaux.

Bien qu’il soit tentant d’associer de telles faussetés à un parti politique particulier, il y a beaucoup de reproches à faire à tous. Par exemple, de nombreux démocrates ont soutenus le président Bill Clinton dans les années 1990 quand il prétendit n’avoir « pas eu de relations sexuelles avec cette femme, mademoiselle Lewinski ». Ils ne semblèrent pas perturbés par la redéfinition de Clinton des « relations sexuelles », aussi longtemps que cela faisait avancer leurs agendas politiques.

D’autre part, les républicains ne purent retenir le vitriol. Ils diabolisèrent les Clinton, non seulement pour le scandale de Monica Lewinski, mais allant du Travelgate (une controverse du bureau des voyages de la Maison Blanche) au scandale Whitewater (la faillite d’un projet d’investissements immobiliers dont les Clinton étaient actionnaires).

Et cependant, à l’époque du président Donald Trump, où mentir sembla être un passe-temps national, la plupart des républicains se tinrent fermement derrière le président, défendant ses falsifications. En 2021, des vérificateurs de faits du Washington Post calculèrent que l’ancien président établit un total de 30 753 déclarations fausses ou trompeuses durant son mandat.

 

Une seule réalité, deux versions

Le 8 janvier 2022, Wesley Knight, le pasteur de Revision Church, une congrégation adventiste d’Atlanta dans l’État de la Géorgie, prêcha un sermon intitulé, « essayons cela encore ». En introduction, il compara la différence de couverture médiatique sur les diverses chaînes de télévision par câble du premier anniversaire du 6 janvier 2021.

« C’était le même 6 janvier. C’était la même attaque du Capitole. Pourtant, les reportages de CNN, MSNBC et Fox News étaient terriblement et horriblement différents. Un camp déclare que c’était une attaque contre la démocratie. Un autre camp déclare que c’était une tentative de protection de la démocratie », déclara Knight.

« C’est pourquoi je soulève cela aujourd’hui, » continua-t-il. « Si nous ne pouvons pas  être d’accord sur la réalité de l’état de cette démocratie, nous ne pourrons jamais nous entendre sur les solutions aux problèmes auxquels nous faisons face. Notre destin—écoutez-moi aujourd’hui—dépend de notre capacité à nous accorder sur la réalité. »

 

La désinformation

Orlan Johnson, le directeur des Affaires publiques et de la liberté religieuse (APLR) de la Division nord-américaine de l’Église adventiste du septième jour, a décrit dans une récente interview l’impact que la politique et la désinformation (l’information fausse volontaire) ont sur la communauté adventiste.

« Je pense que beaucoup d’entre nous ont toujours vu un certain volume de ce que j’appellerais des « connexions communautaires et politique, » ou des choses de cette nature. Mais il semble que l’Église, qui de toute évidence, a toujours été un microcosme de la société, a été encore plus connectée, et nous en sommes maintenant à un point où parfois il n’est pas toujours clair de savoir si notre foi façonne notre vision politique ou si notre vision politique façonne notre foi », déclara Johnson.

Avocat de longue date à Washington, D.C, qui fut aussi président de la société de sécurité des investissements sous les mandatures du président Obama, Johnson déclara que le problème se trouve des deux côtés de l’idéologie politique.

« Je ne dirai pas que c’est une chose exclusive à un parti en particulier. Je pense que pour la plupart des partis politiques, la première chose à laquelle ils travaillent, c’est leur réélection… Quand c’est le premier point d’intérêt, alors je pense que parfois, vous pouvez avoir beaucoup de messages qui passent de travers, beaucoup de personnes confuses, et des personnes qui en tirent avantage. »

 

Un déluge d’informations

Quoique la politique véhicule la majorité de la désinformation propagée, le changement dramatique dans le paysage médiatique de ces quinze dernières années est aussi un facteur significatif. En tant qu’êtres humains, nous générons maintenant 2,5 quintillions d’octets de données au quotidien, d’après les experts d’IREX, une organisation qui promeut l’éducation aux médias dans le monde. C’est l’équivalent de 25 0000 fois le contenu de la bibliothèque du Congrès chaque jour.

Ajoutez au mélange la démocratisation de l’information, rendue possible par Facebook et les autres plateformes de médias sociaux et vous avez la recette du désastre. La vanne est ouverte pour que n’importe qui, muni d’un appareil électronique, propage instantanément des informations à travers le globe.

Alors que la technologie offre d’innombrables opportunités au profit de l’humanité—les services religieux virtuels par exemple—, la plupart d’entre nous, sans la direction du Saint Esprit et un niveau adéquat d’éducation aux médias, ne faisons pas le poids devant l’assaut d’informations que nous confrontons quotidiennement. La réduction au cours de la décennie écoulée du nombre de médias réputés comme les journaux quotidiens n’a fait qu’empirer les choses.

 

La mésinformation

Un problème, qui a divisé les adventistes au cours des derniers mois, est de savoir si la Division nord-américaine doit officiellement fournir des lettres d’exemption religieuse en faveur des membres d’église qui ne veulent pas être vaccinés. D’après Johnson, un volume significatif de mésinformation (l’information fausse involontaire)  a circulé dans la communauté adventiste concernant les lois qui couvrent les exemptions religieuses des obligations vaccinales.

Johnson déclare que l’APLR a essayé de fournir aux membres des informations précises sur la législation au sujet des croyances personnelles et non confessionnelles. À travers la Division nord-américaine, les dirigeants de l’APRL(Affaires Publiques et Liberté Religieuse) ont aidé des membres à écrire des lettres personnelles d’exemption. Cela a contrarié quelques membres d’église qui voulaient qu’elles soient des déclarations officielles de l’Église adventiste, portant l’en-tête officiel de l’Église.

« L’église mondiale a fait une déclaration officielle en 2015 au sujet des vaccins, disant simplement qu’en tant qu’Église, nous ne sommes pas opposés à la vaccination raisonnable, et qu’il dépend à chacun de choisir ce qu’il veut faire ou non. Toutefois, ce n’est pas quelque chose qui viole nos croyances », déclare Johnson.

De plus, la « Division nord-américaine a réitéré qu’elle croyait aussi à la vaccination raisonnable et aux soins de santé. Nous croyons en la science, et nous n’avons aucune raison de ne pas croire ce que nous avons entendu. Si vous avez un problème personnel avec cela, on le comprend. On vous assiste en essayant de protéger vos droits. C’est ainsi que nous avons traité la situation. »

Dr. Vincent Hsu, le directeur exécutif de la prévention des infections du système de santé AdventHealth, a été diplômé en 1995 à la faculté de médecine de Loma Linda. Avant de rejoindre, il y a dix-sept ans, le réseau de santé basé à Orlando, Dr. Hsu s’est formé pendant trois ans aux Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies, apprenant à détecter les maladies infectieuses et à protéger la santé publique.

Dr. Hsu déclare qu’à cause des mésinformations sur la Covid-19 qui circulent dans le public et dans certaines églises locales, de nombreux patients rejettent ses avis médicaux et ceux d’autres professionnels médicaux. Par conséquent, il y a eu une hausse des incidents de sécurité dans divers hôpitaux adventistes, à cause du refus de certains patients et visiteurs de suivre les protocoles de sécurité contre la Covid-19.

« Nous avons parlé aux personnes—patients, visiteurs, aussi bien qu’à des employés—qui ont exprimé leurs croyances de ne pas croire, par exemple, à l’efficacité des masques ou des vaccins, ou parce qu’ils croyaient faire du tort aux gens », a déclaré Hsu.

« Personnellement, j’ai eu des conversations avec des patients qui croyaient dans une théorie du complot ou à une désinformation que j’ai essayé de corriger. Je crois que c’est un énorme problème, et je pense qu’une des choses que nous devons réapprendre de cette pandémie est une approche de la communication qui soit différente de celle à laquelle nous étions habitués. Nous reconnaissons que la relation entre le médecin et le patient est bâtie sur la confiance et le respect mutuel. Elle est construite sur la confiance des patients en la compréhension de la science par leur médecin et son application pour obtenir les meilleurs résultats pour eux. Nous voyons maintenant que cette confiance et cette relation sont menacées. »

 

Défenseurs de la vérité

« Un mensonge peut faire le tour du monde avant que la vérité ne chausse ses bottes » est une citation attribuée à Mark Twain, Winston Churchil et à d’autres personnes célèbres. Cependant, il semble aujourd’hui que la vérité n’ait même pas de bottes et se trouve quelque part dans un coin.

En tant que chrétiens adventistes, c’est notre travail d’être des chercheurs et des révélateurs de la vérité à notre génération—même si elle est politiquement, socialement ou personnellement inopportune. La Bible nous dit dans Jean 16:13 que le Saint Esprit nous guidera « dans toute la vérité ». En outre, dans Éphésiens 6:14, elle nous invite à tenir ferme en ayant à nos reins la ceinture de la vérité.

La vérité, après tout, n’est pas un sport politique mais une affaire de vie et de mort. Par conséquent, mes frères et sœurs, restez vigilants !

 

 

Alva James-Johnson

Professeur à l’école de journalisme et de communication

Southern Adventist University à Collegedale, Tennessee, USA.

 

Traduction : Patrick Griffith